Human Rights Watch fusille le projet de loi sur le Renseignement

humanrightswatchDans la lignée des très nombreuses réactions négatives déjà publiées à l’encontre du projet de loi sur le Renseignement, c’est au tour de l’ONG internationale Human Right Watch de tirer la sonnette d’alarme. Et c’est peu de le dire, la sentence est lourde pour la France.

Alors que la presse française commence tout doucement à se saisir de la question de la grande dangerosité de cette loi, outre-Atlantique, les positionnements sont plus clairs. Car faut-il encore le rappeler, la surveillance de masse, les citoyens américain savent bien ce que c’est.

La semaine dernière, c’était un article du New York Times qui tirait à boulets rouges sur le projet de loi, entraînant ici une prise de conscience au-delà des cercles habitués à suivre ce type d’actualité. Ce 7 mars, L’ONG Human Rigths Watch publie à son tour un rapport extrêmement dur à l’encontre du gouvernement français.

Dès les premières lignes les mots sont sévères:

« Ce texte bafoue des obligations relatives aux droits humains. »

 

« [C’est] un projet de loi conférant de vastes pouvoirs de surveillance électronique [et qui] contrevient aux engagements internationaux de la France relatifs aux droits humains. »

 

C’est également la procédure accélérée utilisée pour imposer le texte qui consterne l’ONG. En effet, le 13 avril, le projet sera déjà présenté à l’Assemblée.

Sur le fond, HRW s’en prend en particulier au dispositif d’écoutes massives basé sur une boîte noire disposée chez les fournisseurs d’accès à Internet, ainsi qu’au recours à ces techniques intrusives sans avis du juge, sans un contrôle satisfaisant, et ce pour des motifs beaucoup trop divers :

« [Il y aura des] pouvoirs considérables accordés au Premier ministre pour autoriser la surveillance, sur des motifs qui dépassent largement ceux reconnus par le droit international des droits humains. »

 

« Il est difficile de voir comment les personnes visées – que ce soit directement ou en raison d’associations dont elles ne sont pas conscientes, de l’endroit où elles sont, ou d’autres raisons – pourront savoir qu’elles ont fait l’objet d’un contrôle, et contester ces actes devant le Conseil d’État », (Dinah PoKempner, directrice juridique chez Human Rights Watch).

 

Déçue des effets d’annonce d’un gouvernement promettant il y a encore quelques mois une loi protectrice, Dinah PoKempner enchaîne :

« Bien que l’objectif du projet de loi soit de raccrocher les pratiques de surveillance de la France au cadre du droit, c’est en réalité une extension massive des pouvoirs en matière de surveillance qui se drape dans le voile de la loi. »

 

« La France se doit de faire mieux que ça, surtout si elle veut se distancier des pratiques de surveillance de masse abusives et secrètes des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui suscitent tant de contestations juridiques. »

 

C’est donc la posture de la France vis à vis de ses propres engagements, ainsi que ses intentions qui sont mises en cause:

« La très large portée de ce projet de loi contredit radicalement les obligations de la France aux termes du droit international des droits humains, et  pourrait servir à légitimer légalement un État de surveillance. »

 

Fidèle à son rôle de garante de la liberté d’expression, l’ONG dénonce, au même titre que RSF et les syndicats d’avocats, une atteinte en particulier au travail des chercheurs, journalistes, universitaires, avocats et acteurs humanitaires qui « visitent des sites web qui font l’apologie du terrorisme, et échangent avec des personnes liées à des crimes, pour mieux comprendre ces exactions et lutter contre elles. »
L’argument de l’inefficacité de la loi est une fois de plus signalé, et tranche avec la violence des coups portés aux libertés publiques.

Enfin, c’est avec une amertume perceptible que la position de la France et le modèle qu’elle affiche face aux autres pays dans le monde qui sont largement mis en accusation :

« Les gouvernements les plus répressifs pourront remercier la France, qui créée un précédent juridique en forçant les plus grandes entreprises de l’Internet à contrôler non seulement les indices de “terrorisme”, mais aussi les indices d’une dissidence tout juste naissante, ou même d’une pensée indépendante. ».

 

En effet, ces projets tranchent quelque peu avec les réactions outrées des représentants politiques français suite aux révélations de Snowden sur la surveillance de la NSA. À y regarder de plus près, on sentait déjà à l’époque une posture ambivalente notamment au regard de la politique d’exportation de matériel de surveillance dans certaines dictatures.

Quand une part si grande des acteurs citoyens, techniques, juridiques, politiques et de sécurité se mobilisent contre un projet de loi et avec des arguments aussi forts, on peut espérer qu’une démocratie réagisse pour prendre un peu de recul.

Mais peut-on encore considérer que l’oreille soit ouverte à la discussion côté gouvernement?


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